Bruxelles encourage les clauses environnementales et éthiques dans les marchés publics

La Région de Bruxelles-Capitale a rédigé une ordonnance qui, initialement, contraignait les pouvoirs adjudicateurs régionaux, pararégionaux et locaux à inclure des clauses « coût du cycle de vie », environnementales et éthiques dans les marchés publics. Après un avis accablant du Conseil d’Etat, le texte final a été assoupli. Le régime est désormais – partiellement – facultatif.

Les pouvoirs adjudicateurs peuvent …

 

La nouvelle ordonnance stipule que les pouvoirs adjudicateurs peuvent inclure des clauses environnementales dans le cahier spécial des charges (documents du marché) de leurs marchés publics. 

 

Idem pour les clauses éthiques: les pouvoirs adjudicateurs peuvent inclure des clauses éthiques dans le cahier spécial des charges de leurs marchés publics. 

 

Concernant le coût du cycle de vie, les pouvoirs adjudicateurs peuvent prévoir dans le cahier spécial des charges des clauses « coût du cycle de vie » visant l’évaluation par le soumissionnaire et la prise en compte par le pouvoir adjudicateur de l’essentiel des coûts différés, indexés et cumulés sur la durée prévue d’usage de l’investissement. 

 

Toutefois, il faut relativiser ce « peuvent ». La possibilité d’insérer des clauses environnementales, cycle de vie ou éthiques dans les documents relatifs au marché public est bien facultative pour les pouvoirs adjudicateurs, mais si la Région agit en qualité d’autorité subsidiante, elle peut imposer de telles clauses à titre de condition d’octroi ou de condition d’exécution du subside

 

Chaque fois qu’il conclut un nouveau contrat de gestion ou qu’il ajoute un avenant à un contrat de gestion en cours, le gouvernement bruxellois définit des objectifs et une stratégie en rapport avec les clauses environnementales, coût du cycle de vie et éthiques. L’organisme qui atteint ces objectifs bénéficie d’un bonus financier

 

Clauses environnementales

 

On entend par clause environnementale une stipulation poursuivant un objectif de préservation de l’environnement par l’optimisation de l’impact environnemental de l’exécution du marché public. L’ordonnance énumère une dizaine d’exemples de clauses environnementales possibles, telles que:
une réduction des émissions de gaz à effet de serre ou d’autres émissions polluantes;
une réduction de consommation d’énergie et une préférence pour les énergies renouvelables; ou
l’intégration de matériaux ou de biens recyclés, dans une logique d’économie circulaire.

 

Le gouvernement doit encore répartir les clauses environnementales en 4 niveaux: allant du niveau « 0 » (not green) au niveau 3 (best practices). 

 

Chaque pouvoir adjudicateur doit veiller à obtenir un score déterminé. L’ordonnance ne précise pas dans quel délai il faut y parvenir, mais nous pouvons déduire des tableaux de bord à élaborer par les pouvoirs adjudicateurs que le score sera examiné annuellement. 

 

Au moins 20% du nombre total de marchés publics et au moins 20% du volume financier total des marchés publics lancés doivent comporter une clause environnementale de niveau 2 (« medium green ») ou de niveau 3 (« best practices »). 

 

Pour les autres types de clauses, des objectifs similaires sont formulés. Ces « objectifs » sont parfois qualifiés d' »objectifs de référence« , ce qui, selon le rapport de la Commission des Finances, « leur fait perdre leur aspect contraignant »… 

 

Le non-respect de l’ordonnance et de ses « objectifs de référence » est tout de même assorti de sanctions. A titre d’exemple: un accompagnement obligatoire ou l’obligation de corriger les manquements avant de pouvoir entrer en considération pour un nouveau subside

 

Clause coût du cycle de vie

 

La clause coût du cycle de vie est en réalité un type particulier de clause environnementale, dans laquelle il est tenu compte des coûts d’un produit, d’un service ou d’un ouvrage sur toute sa durée de vie. Mais selon l’ordonnance, il suffit que le pouvoir adjudicateur tienne compte d’une « partie » des coûts du cycle de vie et encore « dans la mesure où ils sont pertinents »

 

Etonnamment, le gouvernement peut élargir la notion de coût du cycle de vie. En d’autres termes, le gouvernement bruxellois peut aller au-delà de l’ordonnance par arrêté d’exécution. 

 

L’objectif (de référence) pour le coût spécifique du cycle de vie est encore plus strict que l’objectif fixé pour les autres dispositions environnementales: au moins 30% du nombre total de marchés publics et au moins 30% du volume financier des marchés publics doivent contenir une clause coût du cycle de vie.
Actuellement, les clauses coût du cycle de vie ne sont pas subdivisées en niveaux. 

 

Clauses éthiques

 

Selon l’ordonnance, on entend par clause éthique : une stipulation poursuivant un objectif de respect des droits fondamentaux des personnes, d’ »équité sociale » et, notamment, d’ »équité dans le commerce » (fair trade).
Cette définition est assez vague et le législateur décrétal ne donne malheureusement pas d’exemples de clauses éthiques. 

 

Un objectif (de référence) est toutefois associé à ces clauses éthiques. Comme pour le coût du cycle de vie, au moins 30% du nombre de marchés publics et au moins 30% du volume financier doivent être soumis à une clause éthique. 

 

Jusqu’au 31 décembre 2017

 

Bien que ces objectifs ne soient pas contraignants, l’ordonnance spécifie qu’ils sont d’application du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017

 

Le gouvernement bruxellois déterminera de nouveaux objectifs de référence par triennat successif. Ces objectifs pour une catégorie de clause ne peuvent pas être inférieurs aux objectifs correspondants de la période précédente. 

 

Un service de coordination régionale peut toutefois stipuler que certains marchés ne se prêtent pas à l’insertion d’un ou de plusieurs types de clauses. Le cas échéant, ces marchés ne sont pas pris en compte dans l’évaluation.
Le gouvernement peut également dispenser certaines catégories de marchés de l’insertion de clauses. 

 

Moyens d’atteindre les objectifs

 

Le législateur décrétal entend proposer des outils aux pouvoirs adjudicateurs pour leur permettre d’atteindre les objectifs de référence. Mais ces outils ne sont pas facultatifs. Au sein de chaque pouvoir adjudicateur, une « personne-ressource » doit être désignée. Cette personne est chargée de veiller à l’exécution des obligations de la présente ordonnance. Le gouvernement doit encore préciser les exigences en matière de formation de ces personnes-ressources

 

Ensuite, à compter du 1er janvier 2015, chaque pouvoir adjudicateur doit tenir à jour un tableau de bord reprenant tous les marchés publics que ce pouvoir a achevés au cours de l’année et tous les marchés en cours. Le tableau indique la présence de clauses particulières dans les documents du marché, la classification de ces clauses et, pour les clauses environnementales, leur niveau.
Le gouvernement bruxellois doit encore publier un modèle de tableau de bord. 

 

Le tableau de bord doit permettre au pouvoir adjudicateur de vérifier lui-même s’il est en bonne voie pour rencontrer les objectifs de référence dans les 3 types de clauses. Mais ce n’est pas tout. Le pouvoir adjudicateur doit également remettre chaque année un exemplaire de son tableau de bord à un service régional central de coordination. Les résultats sont publiés sur internet

 

Enfin, le gouvernement met sur pied un troisième outil. Il désignera des opérateurs régionaux qui feront office de centrales de marchés spécialisées pour des marchés spécifiques. Le Centre d’Informatique pour la Région Bruxelloise (CIRB) et Bruxelles-Propreté sont déjà actifs dans ce domaine. 

 

Pouvoirs adjudicateurs?

 

L’ordonnance reprend la notion de « pouvoirs adjudicateurs » qui figure dans la loi sur les marchés publics. Il s’agit donc ici de:
1. la Région;
2. les organismes de droit public inclus dans le périmètre de consolidation budgétaire de la Région. Comme: Actiris, Bruxelles-Propreté ou le Fonds de Garantie bruxellois;
3. les 19 communes bruxelloises;
4. les personnes qui, au moment de lancer le marché, ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, qui sont dotées d’une personnalité juridique, et:
dont l’activité est financée majoritairement par les autorités susmentionnées,
dont la gestion est soumise à un contrôle de ces autorités, ou
dont plus de la moitié des membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est désignée par ces autorités; et
5. les associations formées par les pouvoirs adjudicateurs précités, à l’exception des organismes de droit public visés ci-avant.

 

 

Marché public?

 

Signalons enfin que l’ordonnance du 8 mai 2014 n’est d’application que sur les marchés publics de fournitures, de services et de travaux dont le montant estimé est supérieur à 30.000 euros

 

Les pouvoirs adjudicateurs qui sont soumis au contrôle de la région (catégorie 4) ne doivent appliquer les règles en matière de clauses stipulées dans l’ordonnance que si le marché est subsidié à raison de 10% minimum par la Région, directement ou via Beliris.
Le gouvernement bruxellois peut leur accorder une dispense si leur volume annuel de marchés publics subsidiés est inférieur à un seuil déterminé.

 

 

A partir du 16 juin?

 

Juridiquement, l’ordonnance entre en vigueur 10 jours après sa publication au Moniteur belge, soit le 16 juin 2014.
De nombreuses dispositions doivent toutefois encore être approfondies dans un arrêté du gouvernement bruxellois.

 

Les pouvoirs adjudicateurs disposent déjà de 6 mois supplémentaires pour désigner une personne-ressource.
L’obligation de tenir un tableau de bord à jour ne s’appliquera qu’à partir du 1er janvier 2015 et la disposition relative aux objectifs de référence entrera également en vigueur le 1er janvier 2015. 

 

Précisons enfin que Bruxelles a également préparé un projet d’ordonnance, qui vise à inciter les pouvoirs adjudicateurs à insérer des clauses sociales dans leurs marchés publics. 

 

Source:Ordonnance du 8 mai 2014 relative à l’inclusion de clauses environnementales et éthiques dans les marchés publics, MB 6 juin 2014