Cette histoire est véridique. Elle est totalement immorale et ne présage rien de réjouissant sur l‘évolution des mentalités et des comportements, ni des jugements d’ailleurs que notre société porte sur ces derniers ! Mais que voulez-vous ? Avec la bénédiction de la loi, tout semble possible aujourd’hui !
Il était une fois un employé peu modèle d’une agence de voyages ; il s’était mis à puiser allègrement dans la caisse de son patron et dépensait sans compter ! Après plusieurs mois, ayant finalement découvert le pot aux roses, le patron eut le grand tort d’offrir une seconde chance à cet individu, après que ce dernier ait reconnu les faits et que les parties aient signé chez le notaire un acte authentique valant reconnaissance de dette et engagement de rembourser les sommes détournées.
A peine avait-il repris le travail que le même employé récidivait de plus belle ! Sans plus attendre, le patron le licencia pour faute grave cette fois, par une lettre recommandée qui croisait celle que lui adressa l’employé lui-même, en s’excusant de son comportement et présentant au besoin sa démission…
Plainte pour vol avec constitution en Partie civile fut aussitôt déposée chez le Juge d’instruction !
Entre-temps, non content de son sort, ledit employé cita le patron devant le Tribunal du Travail, prétextant l’irrégularité du licenciement pour réclamer d’importants dommages et intérêts, le motif du licenciement n’ayant, selon lui, pas été porté à sa connaissance dans le délai légal…. !
Après de longs débats, le Tribunal du Travail d’Arlon, dans son jugement du 11 mars 2005, considéra la fin de la relation de travail comme étant une rupture de commun accord ! L’employeur l’avait donc échappé belle ! Pour un temps seulement !
Une fois le dossier clôturé à l’instruction, l’employé indélicat fut évidemment poursuivi devant le Tribunal correctionnel de Neufchâteau pour faits de détournements frauduleux (article 491 du code pénal). En date du 21 novembre 2005, le Tribunal déclara la prévention établie et condamna le prévenu à douze mois d’emprisonnement, avec sursis pour la moitié, ce qui signifiait concrètement qu’il ne passerait nullement par la case prison ! En le condamnant à douze mois (soit 12 X 30 jours !) et non un an (soit 365 jours !), le Juge lui accordait encore une fleur lui offrant ainsi un « bon pour un sursis à exécution » en cas de toute nouvelle condamnation dans l’avenir. Il ne faut évidemment pas oublier de dire que la peine était accompagnée de la condamnation à une amende de…. 495,78 euros !
Le temps passait et les promesses de remboursement des sommes volées n’étaient suivies d’aucun effet. L’ancien patron floué décida donc de passer à l’attaque et de poursuivre par huissier la récupération des montants, soit au bas mot plus de 76.000 euros, intérêts et frais non compris ! C’est alors que l’ancien salarié eut une idée pour le moins…… lumineuse : gagnant modestement 1.459,98 euros par mois dans son nouvel emploi et regroupant l’ensemble de ses différentes autres dettes, par ailleurs insignifiantes par rapport au montant du vol, soit quelque 20.000 euros, le malheureux alla solliciter du Tribunal de 1ère Instance un règlement collectif de dettes pour situation de surendettement, avec pour effet qu’il n’aurait à rembourser sur 5 ans qu’à concurrence de….. 3,5 % de sa dette et du total du produit de son vol….A l’échéance, et nous y sommes quasiment arrivés, la récompense avec l’effacement total et définitif de sa dette pour le surplus !
Par décision de la Cour d’appel de Liège (13ème Chambre) prononcée ce 23 septembre 2008, la Présidente décrète la demande en révocation de l’admissibilité en règlement collectif formulée par l’ex-patron non fondée, notamment au motif suivant, à savoir :
« l’appelante (l’employeur), qui a pris en toute connaissance de cause le risque de continuer une fonction d’encaissement de sommes à F.L., n’apporte :
ni la preuve que la continuation ultérieure de ce comportement fautif ne ressort pas de la continuation du même état de déstabilisation physique et mental de F.L., antérieurement reconnu par l’appelante,
ni la preuve d’une intention délictueuse d’organisation d’insolvabilité frauduleuse »….
Voilà comment faire, chère lectrice, cher lecteur, en acceptant bien évidemment de prendre quelques risques, ce cas concret et vécu ne pouvant à l’évidence vous garantir à l’avenir que les décisions qui l’accompagnent feront jurisprudence ! N’oubliez tout de même pas de signaler qu’au moment des faits, vous étiez dans un état de grande fragilité psychologique ! Etat qui n’a pas dû se prolonger bien longtemps dans le cas d’espèce, puisque j’allais oublier de vous dire que le sieur en question a déposé plainte auprès de l’Inspection du Travail et de l’Auditorat du Travail demandant des poursuites pénales à l’encontre de son ancien employeur, parce que ce dernier avait voulu appliquer très partiellement le principe de la compensation avec un pécule de sortie ou de vacances pour un montant de 2.561,24 euros ! Bonne chance à vous !
Jean-Paul MICHEL
jpaul.michel@belgavoka.be