Le principe de précaution élevé au rang de principe général de droit ? Il semble bien que cela soit désormais le cas.
Au départ, ce principe a été affirmé et revendiqué en matière d’environnement et de développement durable ; rappelons simplement à ce propos sa mise en évidence lors de combats menés contre les plantations d’OGM (Organismes Génétiquement Modifiés) et de maïs transgéniques, aussi longtemps que la recherche scientifique n’avait pu établir de manière certaine l’absence de tout élément de contamination.
Qui aurait pu imaginer que ce même principe puisse servir à suspendre pendant près d’un an un droit à l’hébergement secondaire d’un père à l’égard de ces deux jeunes enfants, au point de supprimer tout contact durant tout ce temps !
Rappel des faits :
Par conclusions consenties, les parents se mettent d’accord pour organiser l’hébergement de leurs deux enfants Dorian et Lucas, âgés respectivement de 5 et 3 ans : dans l’intérêt des enfants et conformément à l’accord pris, et sans que le moindre élément qui puisse perturber ce choix ne soit évoqué, le Tribunal de la Jeunesse entérine l’accord des parents qui prévoit un hébergement secondaire classique chez le père, un weekend sur deux.
Tout se passe normalement, sauf que pendant un hébergement secondaire quatre mois plus tard, alors que le père et sa mère, à savoir la grand’mère paternelle, avaient emmené les enfants à une partie de pêche au cours de laquelle ces derniers ont couru dans la campagne, récoltant quelques éraflures et se bagarrant entre eux au passage, l’aîné Dorian, hyperactif, blessa son frère cadet Lucas en le poussant sur un divan en bois. Ce dernier se cogna au coin de l’œil, sans plus de gravité fort heureusement, la grand’mère paternelle présente à ce moment-là dans le chalet pouvant intervenir rapidement. Pour ne pas arranger les choses, Lucas avait en outre déclenché ce même weekend une réaction épidermique passagère, bien connue des parents.
Au retour des enfants, la mère légèrement dépressive n’en croit pas un mot et après avoir consulté un médecin qui précisera « Ces lésions peuvent être compatibles avec les coups que les enfants auraient reçus selon les déclarations de leur maman », cette dernière demande immédiatement la suspension de tout droit à l’hébergement secondaire du Papa, en jouant ainsi la dramatisation. Elle prendra également le soin de consulter unilatéralement une psychothérapeute.
Après nouvel examen rapide par un médecin expert désigné par le parquet en urgence, parlant notamment de suspicion de sévices physiques, et sans qu’aucune autorité judiciaire jamais n’interroge ni le père, ni la grand’mère paternelle présente au moment des faits, le Tribunal décidera de la suspension pure et simple du droit à l’hébergement secondaire, sans limitation dans le temps, cette décision motivée comme suit, à savoir : « Attendu que la décision ne contredit en rien la présomption d’innocence, qui est de règle en droit pénal, mais découle du principe de précaution auquel il y a lieu de se référer, notamment lorsqu’il s’agit de l’intérêt d’enfants mineurs ».
Le père a toujours farouchement nié avoir frappé ses enfants ; aucune enquête pénale n’a jamais été poursuivie, et actuellement, après tant de mois de rupture de tous contacts avec les enfants, le contact a pu être renoué progressivement par une rencontre d’abord une fois et ensuite deux fois par mois durant une à deux heures dans un milieu encadré. Et avec bien des difficultés : effets collatéraux de l’application du principe de précaution, qui a eu pour conséquence de déstructurer complètement la relation entre le père et ses enfants.
Me Jean-Paul MICHEL
Avocat
jpaul.michel@belgavoka.be