L’entraide judiciaire internationale en matière d’aliments

Le nombre de couples internationaux concerné par la question d’une obligation alimentaire extranationale est estimé à 16 millions au sein de l’Union Européenne et à 30 millions pour les ressortissants Communautaires vivant dans des pays tiers.

C’est dans ce contexte que le nouveau règlement CE n°4/2009 du 18 décembre 2008  (applicable depuis le 18 juin 2011) relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et la coopération  en matière d’obligations alimentaire a été adopté.

Ce texte a pour vocation de simplifier et d’accélérer la perception forcée des pensions alimentaires au sein de l’Union Communautaire. Il remplace le règlement dit « Bruxelles I » (CE n°44/2001 du 22 décembre 2000) qui encadrait déjà cette matière. Même s’il reprend des dispositions du règlement « Bruxelles I », il se révèle aussi novateur sur certains points.

Au Luxembourg, c’est la loi du 5 mars 2012 qui transpose concrètement ces dispositions dans l’ordre juridique interne.

Le mécanisme d’exécution devient une procédure administrative.

Le règlement instaure un système de coopération administrative avec pour objectif d’assister le créancier d’aliments à tous les stades du contentieux. Chaque Etat membre doit garantir l’existence d’une autorité centrale (Le Parquet Général au Luxembourg) permettant d’agir en vue de l’obtention, de la modification et de l’exécution des décisions en matière d’obligations alimentaires.

Cette autorité centrale devient l’interlocuteur privilégié du créancier d’aliments. Cette institution prend en charge le dossier au point d’être compétent pour établir une filiation lorsque cela paraît utile dans le cadre du recouvrement d’aliments !

Il faut remarquer que le règlement ne limite aucunement les pouvoirs de l’autorité centrale. Bien au contraire, l’article 51 prévoit que l’autorité centrale est chargée de « toutes les mesures appropriées pour faciliter, aider, encourager ».

Il est aussi à noter que le règlement prévoit que le créancier d’aliments âgé de moins de 21ans bénéficie de l’aide judiciaire gratuite, ceci sans condition de ressources.

Une sécurité juridique renforcée accordée aux créanciers et aux résidants de pays tiers : 

– Les règles de compétence juridictionnelle :

La compétence juridictionnelle de la résidence habituelle du créancier ou du défendeur reste inchangée, en revanche est interdite toute convention portant sur l’élection de for dans un litige de pension concernant un enfant de moins de 18ans (article 4.3 du règlement).

Pour les couples résidant dans un pays tiers, le juge de l’Etat membre de la nationalité commune est compétent à titre subsidiaire. Les juridictions de l’UE sont exceptionnellement compétentes si la procédure s’est révélée impossible dans un Etat tiers ou encore si elle n’a pu être raisonnablement introduite ou conduite.

– Les règles de conflits de lois :

Les parties au litige se verront appliquer la loi ayant les liens les plus étroits avec leur situation. Le principe est l’application de la loi de l’Etat de la résidence habituelle du créancier.

La suppression de l’exequatur :

L’exequatur (procédure permettant l’exécution d’une décision étrangère dans un pays tiers) ne sera plus de mise pour toutes les décisions en matière d’obligations alimentaires. En outre, le juge national est privé du contrôle du  respect de l’ordre public interne au stade de l’exécution.

Conclusion

On peut douter de l’efficacité pratique de ce règlement qui enlèverait le recouvrement des aliments aux avocats pour les confier à des services publics qui, dans la plupart des pays de l’Union européenne, se sont pas forcément connus pour leur rapidité. Il est à redouter que le côté bien pensant l’ait emporté sur le pragmatisme.

 

Jean-Paul OESEN
jpnoesen@noesen.lu