En droit belge, la partie condamnée bénéficie du droit de cantonner les fonds objet de la condamnation à certaines conditions sauf si le juge de première instance a prévu l’exclusion de ce droit dans sa décision.
Ce mécanisme permet à la partie condamnée par une décision exécutoire par provision de ne pas verser les fonds directement à l’autre partie et donc de se prémunir contre l’insolvabilité de cette dernière.
Que se passe-t-il lorsque la décision a été prononcée par un juge français ?
Le droit français connaît un mécanisme similaire au cantonnement dénommé consignation (art. 521 du Code de procédure français).
Le régime est cependant différent. La partie condamnée ne peut consigner que si elle demande l’autorisation au juge de l’exécution ou au premier président de la cour d’appel si un appel a été interjeté contre cette décision.
La question se pose alors de savoir si, lorsque l’autorisation de consigner n’a pas été demandée en France, la partie condamnée peut cantonner les fonds.
Deux décisions contradictoires existent.
La Cour d’appel de Bruxelles avait décidé dans un arrêt du 8 février 2000 (Bruxelles, 8 février 2000, J.T., 2000, p. 426 et s.) que le juge du fond français ne se prononçait pas sur la possibilité de consigner les fonds lorsqu’il rend son jugement, ceci n’étant pas de sa compétence. Le droit de cantonner restait donc indemne et pouvait être invoqué.
Le Juge des saisies de Bruxelles a rendu le 17 décembre 2009 (inédit) un jugement allant dans un tout autre sens. Cette décision n’est pas très claire dans sa motivation. Néanmoins, il semble que le juge refuse le droit de cantonner à la partie condamnée parce qu’aucune autorisation n’a été demandée en France aux fins de consigner les fonds. « Si la décision était mise à exécution en France, la défenderesse n’aurait pu procéder à une consignation sans y être autorisée ». Le Juge en conclut que le cantonnement est interdit.
Le Juge des saisies considère, dès lors, au contraire de la Cour d’appel, que le juge français loin de ne pas se prononcer sur le cantonnement, l’interdit tant que la consignation n’a pas été autorisée.
Ce raisonnement paraît cohérent mais pose un problème évident. Si la partie condamnée obtient par après l’autorisation de cantonner, il ne sera plus possible de changer la décision du juge belge de l’exécution. La thèse de la Cour d’appel semble plus conforme à la réalité puisque celle-ci considère que le juge français ne s’est pas prononcé, ce qui explique qu’une décision puisse encore être prise par lui sur ce point.
Aucune de ces deux décisions ne paraît pleinement satisfaisante. Ce problème illustre les difficultés de la cohabitation de systèmes juridiques différents qui, loin de pouvoir vivre de manière totalement indépendante, sont amenés à interagir.
Pierre Van Renterghem
pvr@debeir-vanraes.be