Le droit applicable à un contrat est une question de plus en plus importante dans une Union Européenne grandissante : conclure un contrat avec une entreprise située dans un autre pays membre de l’Union européenne est aujourd’hui un geste quotidien pour les professionnels tout comme pour les particuliers.
Souvent, le droit communautaire régit ces situations, mais le droit communautaire ne couvre pas toutes les situations, de sorte que les différents droits nationaux trouvent malgré tout à s’appliquer.
Dès lors, il était important de définir non seulement quel Tribunal allait connaître de litiges naissant de contrats transfrontaliers, mais aussi quelle loi le juge appliquerait, la solution n’étant pas forcément la même pour le choix du Tribunal et de la loi applicable.
Le terme juridique pour désigner ce type de règles est celui de « règle de conflit », les juristes distinguant entre règles de conflit de compétence (quel tribunal ?) et de loi (quelle législation ?)
Une convention conclue à Rome réglait l’essentiel de ces questions pendant presque trois décennies, mais le besoin s’était fait ressentir de mettre ce texte à jour.
L’année 2009 marque l’entrée en vigueur de deux nouveaux règlement européens en matière de conflit de lois : le règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles ( « Rome II »), applicable depuis le 11 janvier 2009 et le règlement n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ( « Rome I »), applicable à partir du 17 décembre 2009 aux contrats conclus après cette date.
Les Etats membres de la Communauté européenne ont tous signé la convention de Rome de 1980, de sorte que cette convention était et reste encore à ce jour applicable entre tous les Etats membres de la communauté.
Cette convention sera remplacée prochainement par le règlement n° 593/2008.
L’adoption d’un instrument communautaire en lieu et place d’une convention internationale a pour avantage notamment d’attribuer compétence d’interprétation à la Cour de Justice et permet ainsi d’évoluer vers une plus grande uniformisation du droit international privé au sein des Etats membres. En effet, certains pays, et notamment l’Allemagne, continuaient d’estimer que les règles de conflit du droit allemand l’emportaient sur la Convention de Rome, de sorte que la solution qu’une juridiction allemande réservait à la question de savoir quelle loi appliquer était souvent différente de la solution prévue par le droit communautaire et donnait droit à des surprises, le droit allemand ayant eu pour tendance de protéger la partie établie en Allemagne de façon assez systématique.
L’adoption d’un nouveau règlement donnait aussi l’occasion à la communauté de réformer quelque peu la matière.
Les objectifs de la réforme étaient de renforcer le principe de base, la liberté de choix de la loi applicable, tout en renforçant les exceptions tendant à la protection des parties les plus faibles, et d’assurer une plus grande clarté et une meilleure prévisibilité de la loi applicable en l’absence de choix, dans les relations contractuelles à caractère international.
Si les objectifs posés et les moyens proposés pour les atteindre étaient relativement ambitieux au départ, certaines réticences étatiques ont finalement conduit à une réforme plutôt timide.
La plupart des règles présentent dans la Convention de Rome de 1980 se retrouvent dans le règlement « Rome I », certaines sous une formulation différente.
Néanmoins, certains aménagements quant au fond , ont été apportés. Des règles considérées comme trop vague et sujettes à interprétation ont fait la place à des règles précises et concrètes.
Ainsi en est-il de la loi applicable à défaut de choix. L’article 3 de la convention de Rome de 1980 disposait qu’à défaut de choix, le contrat était régi par la loi du pays avec lequel il présentait les liens les plus étroits, ce dernier étant présumé être le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou son administration centrale.
L’article 4 du nouveau règlement « Rome I » énonce quant à lui des solutions particulières pour différentes catégories de contrats: loi de la résidence habituelle du vendeur en cas de vente, loi de la résidence habituelle du franchisé en cas de contrat de franchise,…
Pour les contrats non expressément cités, on en revient à la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle, et dans l’hypothèse où le contrat présenterait des liens manifestement plus étroits avec un autre pays, à la loi de cet autre pays.
Concernant les contrats conclus avec des consommateurs, la règle , contenue à l’article 6 du règlement , est modifiée comme suit :
La loi applicable est la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, et le choix par les parties est exclu lorsque le professionnel exerce son activité professionnelle dans le pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle ou par tout moyen, dirige cette activité vers ce pays ou vers plusieurs pays, dont celui-ci, et que le contrat rentre dans le cadre de cette activité.
Cela ne représente pas une grande contrainte pour les professionnels, puisque généralement ils voudront soumettre leurs contrats à la loi du pays dans lequel ils exercent leurs activités.
Les parties pourront opter pour une autre loi, ou verront les règles communes applicables à défaut de choix, telles qu’énoncées sans le prédit article 4, dans l’hypothèse où consommateur et professionnels résiderait et exercerait leurs activités dans des pays différents, et où le professionnel ne dirigerait nullement ses activités vers le pays de résidence du consommateur.
Le paragraphe 4 de l’article 6 exclut certains contrats expressément cités, de la règle ci-dessus décrite.
Enfin , nouveauté dans le règlement « Rome I », les contrats d’assurances se voient dotés de solutions spécifiques, énoncées à l’article 7 du nouveau règlement.
L’article 7 distingue les contrat d’assurance en deux catégories : les contrats d’assurance couvrant les grands risques, tels que définis à l’article 5, point d) de la première directive 73/239/CEE et les autres contrats d’assurances. Pour les premiers, la règle est le choix de la loi applicable par les parties conformément à l’article 3 du règlement. Pour les autres contrats d’assurances, le règlement énonce une série de choix possibles.
A défaut de choix, le contrat est régi par la loi de l’Etat membre où le risque est situé au moment de la conclusion du contrat.
Ders règles supplémentaires sont prévues pour les assurances rendues obligatoires par certains Etats membres.
En matière de contrat de travail, si la formulation est différente de celle adoptée en 1980, le choix des parties reste de principe, à la condition que ce choix ne prive le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions du pays où il accomplit habituellement son travail, auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi.
A défaut de choix, le règlement pose une règle de principe et des règles subsidiaire, lois qui peuvent s’effacer cependant au profit de la loi du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits
Le règlement se termine par une clause de réexamen, prévoyant le dépôt d’un rapport par la Commission au plus tard le 17 juin 2013 , comprenant une étude sur la loi applicable aux contrats d’assurance et une évaluation de l’application de l’article 6, relatif aux contrats de consommation.
Affaire à suivre dans quatre ans…
Jean-Paul NOESEN
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