SAGESSE, PRINCIPE EXISTENTIEL… D’ACTUALITE

Le philosophe recherche la sagesse, le psychologue étudie l’âme.

On en déduit facilement qu’ils vont tous deux dans le même sens de l’oracle grec connu « Connais-toi toi-même » (Socrate).

Mais rappelons qu’à l’origine, la philosophie correspondait à toute curiosité, tout effort de l’esprit, pour obtenir des « connaissances nouvelles » !

Le raccourci surprendra mais il y avait donc similitude avec la science elle-même !

Aujourd’hui, la psychologie quant à elle, correspond à la connaissance empirique ou intuitive des sentiments, des idées, des comportements d’une personne (ou d’un groupe).

Avec le développement des sciences positives, la science et la philosophie n’avaient cessé de s’éloigner l’une de l’autre…

Aujourd’hui, il y a un sens de réconciliation entre ces disciplines, et ceci est lié au développement personnel et à la pensée positive, domaines que l’on dira « en vogue » depuis une vingtaine d’années.

Dire que la quête de la sagesse passe par un travail intérieur est énoncer un truisme ou une banalité (la sagesse est évidemment le fait de rechercher du sens et de la vérité).

L’engouement renouvelé ou même nouveau, selon certains, pour la philosophie, la psychologie, et le bouddhisme par exemple, est lié au déclin inverse de la religion, de la politique en tant qu’idéologie, et de l’économique en tant qu’idéologie… .

(Toutes les doctrines sont en chute ou en tous cas, en berne, telles que le libéralisme, le socialisme, le communisme, l’anarchisme, etc., et d’autre part, certains problèmes majeurs nouveaux sont apparus, tels que la dégradation de l’environnement par la société matérialiste, ce qui est une certitude aux grandes conséquences)

Il convient ici d’ajouter deux réflexions introductives.

La première, c’est que certains vont avec certitude, poser la question de l’utilité de la philosophie.
Ça ne sert à rien !

Un grand nombre d’humains se situent en effet et à titre exemplatif, au stade « primaire » de subsistance (et beaucoup peuvent vivre évidemment comme cela). C’est un peu comme la reconnaissance de l’utilité ou de l’inutilité du cinéma, de la littérature, de la musique…, soit des arts qui restent en quelque sorte, étrangers à bien des humains, et ceci pourrait interloquer !

Celui qui est dans la survie (au niveau subsistance) ne pense pas à cela.

En fait, pour l’essentiel car il peut y avoir des nuances, la philosophie sert à la « vie » et non à la survie.

La seconde, c’est qu’on souligne ici (trop rapidement certes) la différence entre le religieux et le philosophe.Le philosophe doute et débat. La foi quant à elle est extérieure au raisonnement, à moins qu’elle ne soit la conclusion d’un raisonnement … !

La curiosité historique rappelle cependant et utilement, à titre d’exemple, que Saint Thomas d’Aquin et Saint Augustin étaient des philosophes religieux… .

Chez les Grecs, et dans la tradition orientale, la sagesse est l’idéal de la vie humaine.

C’est donc « le savoir être heureux ».

C’est un savoir-vivre (ce n’est pas une science ni une technique).
(Lorsque je pose la question à des collégiens de 16 ans, ils mentionnent qu’ils n’ont jamais reçu des bribes quelconques sur la notion de sagesse, l’impression incontournable qu’ils expriment est que leurs professeurs ne pensent qu’à une chose : la matière imposée et rien que cela ! Il y a bien un petit règlement écrit de comportement adéquat mais ce sont des petits impératifs basiques sans élévation quelconque)

Socrate quant à lui prônait quatre principes précis, à savoir la cogitation, l’humilité, l’acceptation de son ignorance, et le respect absolu des lois de la cité (ce dernier principe est important mais il me semble plus contemporain puisqu’il est déprécié ou non respecté, quand ce n’est pas méprisé, et je pense qu’on trouve ici une explication partielle à nos problèmes actuels de civilisation ou du vivre en société. Vous me direz que ce n’est pas une trouvaille, mais nos sociétés souffrent réellement de cela).

La sagesse chrétienne existe quant à elle « à travers la foi religieuse ».

C’est donc un art de vivre également, un art de comportement au long de la vie.

La sagesse chrétienne est l’application de la loi (c’est-à-dire notamment les commandements) aux situations de vie quotidienne.

Elle peut aussi, de manière accessoire, correspondre à une certaine vie contemplative (qui a la prétention d’une connaissance ou d’une approche du suprême, et nous pensons évidemment aux moines).

Nous voulons épingler ici, et de manière forcément succincte c’est-à-dire imparfaite et en conséquence, un peu rébarbative, l’essence de quelques réflexions philosophiques générales émises par deux philosophes dans leurs travaux à répercussion mondiale.

1.

Henri BERGSON (1859-1941) est un des plus grands penseurs français qui intégrait la nouvelle science qu’était la psychologie.

La morale pour lui, est très importante, autrement dit « indispensable pour l’Homme ». Les règles mises ainsi en place facilitent le vivre ensemble ou le vivre « en bonne intelligence ».

La religion d’autre part impose des interdits et BERGSON vise ainsi et notamment, les dix commandements. Ces principes de vie sont assez communs en définitive puisqu’ils existent dans toutes les religions.

Le but est élémentaire et il vise implicitement la vie en groupe, en société, le pacifisme, et donc le fait d’éviter les solutions « extrêmes » contraires au bien-être physique et mental de l’individu.

BERGSON s’est également focalisé dans ses réflexions sur la religion, sur la proposition d’une forme d’immortalité, d’où la survivance de l’âme ou de l’esprit (et ce pour mieux accepter la mort corporelle, si l’on peut dire).

Résurrection ou réincarnation vont également dans le même sens.

Le but ultime de la morale et de la religion est indirectement de permettre la conservation de l’espèce humaine !

BERGSON a beaucoup insisté sur la nécessité de personnalités extraordinaires, c’est-à-dire hors du commun ou hors norme, et il pensait au Christ notamment, pour faire avancer les choses ou pour créer une nouvelle pensée.

Il aimait d’ailleurs étudier le mysticisme pour pouvoir comprendre cette puissance supérieure
(le mystique diffuse l’amour de l’humanité, et en d’autres mots, il a fait l’expérience de Dieu et cela l’intéressait réellement).

BERGSON a beaucoup innové car il était en recherche continuelle avec une question fondamentale ou ontologique, ou encore « inaugurale » : « Quel est le sens de la vie ? ».

Sa réponse c’est précisément que c’est la dynamique elle-même, c’est-à-dire l’attitude et l’action du quotidien, qui donne du sens à la vie, et qu’il n’y a pas de réponse préconçue.

2.

Car Gustav JUNG (1875-1961) quant à lui a parlé d’un « dynamisme de transformation » que l’Homme a donc en soi de manière naturelle.

Il avance d’ailleurs que la souffrance a des aspects négatifs mais bien souvent, elle est une invitation (naturelle) au changement, à une métamorphose de la personnalité, etc.

Il a avancé avec force que c’est l’inconscient qui est le maître d’œuvre du processus de transformation, c’est-à-dire de ce qui brise la répétition.

L’inconscient humain, selon JUNG, comprend la force de transformation et l’auto-guérison.

Il parle « d’inconscient collectif » (notion neuve à l’époque).

Les philosophes et les psychologues disent cependant (pour apporter une nuance ou une difficulté de cette démarche) qu’il faut un long travail intérieur pour accepter le changement (et il en résulte que la connaissance de soi ainsi que la sagesse s’imposent comme éléments nécessaires !) …

Il convient d’être prêt à se corriger, à discerner les faiblesses.

Il faut être prêt « à devenir un guerrier du quotidien » (drôle d’expression !).

Tous les petits changements (fruits de la conscience et de la volonté de chacun) vont créer progressivement plus de sagesse… .

(Il doit y avoir à titre exemplatif, des diminutions progressives dans le fait de geindre au quotidien)

BOUDDHA et HERACLITE l’ont dit : « Rien n’est permanent, sauf le changement ».

Cela va évidemment dans le sens de ce que dit JUNG, à savoir qu’il faut se transformer sans discontinuer (compte tenu de ce qui est inséré ou imprimé de manière profonde dans notre inconscient).

Cette référence historique faite en quelques lignes, il convient justement d’être ci-après, un peu plus précis quant à la philosophie de la sagesse.

La sagesse a rapport, à mon sens, avec le fait de penser sa vie et de vivre sa pensée de manière plus ou moins continuelle puisqu’il s’agit d’une recherche qui doit conduire à un certain apaisement.

(Certains vont d’autre part aller jusqu’à dire que « la sagesse ne garantit pas le bonheur » -ce qui est une belle thèse de dissertation- mais la formule est un peu curieuse car la sagesse suppose néanmoins et naturellement, que le bonheur doit être trouvé à l’intérieur de soi-même !)

Si l’on veut du concret, la sagesse est une notion qui peut être explicitée par des approches concernant notamment :

*
L’art de vivre et de mourir (certains vont avancer que philosopher, c’est apprendre à mourir ! La formule est un peu rêche, car l’essentiel est de donner de la consistance à sa vie, mais il reste qu’il y a un peu du vrai dans l’expression susdite),
*
La connaissance de soi, principe bien connu,
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Un sens de la méditation ou du recueillement intérieur,
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Le sens des valeurs (ceci est quand même très important, surtout aujourd’hui, et c’est une conviction personnelle. Tous les parents qui ont pensé à cela, peuvent être bénis …),
*
L’ouverture d’esprit et le sens de nos actions (le sens de nos actions veut dire à mon sens, que les actions doivent être toujours, ou le plus souvent ( !), décidées avec cohérence quelque part), mais ce paragraphe paraît élémentaire,

(Les philosophes ont en tout cas, toujours insisté pour souligner que les hommes doivent prendre des décisions, et que tout n’est pas déterminé. Sans le libre-arbitre (c’est-à-dire sans réflexion ou évaluation objective ou subjective, il n’y a plus de morale possible –a dit Saint Thomas d’Aquin-)
*
Une sorte d’ « inquiétude » fondamentale (du genre « je sais que je ne sais rien » !), ou dans un sens un peu moindre, le sens du contradictoire (c’est-à-dire en fait, du point de vue inverse ou contraire…), dans le raisonnement ou dans la réflexion.

D’autre part, parler de la recherche de la sagesse dans sa vie nécessite que l’on épingle également, et ce de manière à être complet, la question automatique de l’ « apparence » (ou du masque) de chacun dans sa vie sociétale et quotidienne c’est-à-dire dans les contacts avec les autres.

Les blessures intérieures (que nous connaissons tous) sont au nombre de cinq : le rejet, l’abandon, l’humiliation, la trahison, l’injustice.

Face à cela, les gens ont pour habitude d’afficher « un masque »… .

Ces mêmes collégiens mentionnés supra confirment l’importance des « apparences » dans leur vie actuelle : le harcèlement a été et reste une véritable plaie de cours de récréation, à causes des réseaux sociaux ( !), il y a d’autre part une certaine peur « d’aider les autres » parce qu’on préfère se protéger (très curieux !) et en conséquence, on est toujours « avec quelqu’un dans une cour de récréation » (jamais seul) ( !).

Selon les psychologues, des clefs connues peuvent cependant aider à sortir des apparences et des masques (ce dernier mot révèle, à mon avis, une expression à connotation un peu négative).

Il s’agit évidemment de la connaissance de ses propres capacités et de ses limites en quelque sorte, ou encore de l’estime de soi.

Le processus de correction et d’amélioration de chacun comprend :

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La lutte contre les complexes ou l’excès d’amour propre,
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Le fait de s’écarter des influences toxiques et pressions sociales (celles qui sont jugées négatives ( !) mais ceci n’est pas facile),
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Le fait de s’écouter au lieu de se mentir,
*
Apprendre à gérer ses objectifs.

Les études scientifiques actuelles montrent :

*
Que lorsque nous sommes heureux, nous sommes plus ouverts aux autres,
*
Et qu’aider les autres nous rend plus heureux.

Le constat qui précède (et qui tombe à vrai dire, comme une sentence ou un couperet) est clairement d’une richesse au-delà des normes et de ce qui pourrait être décortiqué (comme un pharmacien chercherait dans ses formules alambiquées et avec ténacité, le détail salvateur en terme de remède).

En d’autres mots, la vocation d’une vie spirituelle, ou de la sagesse, est d’abord de s’extraire de son ego.

Parler d’ascèse (mot à la mode souvent utilisé dans le langage actuel) suppose en réalité qu’on fasse peu de cas de soi (le mot ascèse est trop souvent interprété dans le sens inverse, et ce conseil est donc capital en définitive ou doit en tous cas être rappelé !).

Il faut donc, disent les dernières études scientifiques, s’intégrer dans une dynamique de joie pour s’aider à extraire les poisons du mental, et s’éloigner de ce qui est triste … !

Dans la même ligne, le « bodhisattva » (doctrine orientale bouddhiste) vise à ce que tous les êtres atteignent l’Eveil (et il ne s’agit donc pas de sa seule et propre personne, ce qui est donc un petit correctif à rappeler utilement).

La générosité devrait être vécue au jour le jour…, autrement dit, la sagesse s’incarne dans une pratique quotidienne.

A l’encontre de la violence de notre époque, il convient de développer la fraternité et l’altruisme sans oublier du tout :

La politique, la justice, la police, l’éducation, et toutes les institutions (ce qui veut dire le respect important de celles-ci) !
(il s’agit à coup sûr, d’un rappel singulier de ce qu’a relevé Socrate –voir plus haut-)

La tradition méditative bouddhiste (ou même la psychologie positive) souligne qu’il faut donc entraîner l’esprit à se tourner vers les autres.

La réflexion de trois auteurs récents (Christophe André : médecin ; Mathieu Ricard : bouddhiste ; Alexandre Jollien : philosophe) aboutit à la conclusion suivante :

1.
Il faut vivre dans le bien.
2.
Il faut faire le bien aux autres.
3.
Il faut se faire du bien à soi-même.

Simple, à la première réflexion, mais difficile au quotidien… (compte tenu semble-t-il, d’un ensemble de contingences complexes mais qui restent à notre humble avis, malléables) !

L’Homme affectionne certes de s’inquiéter, mais des constats commencent à vous imprégner intérieurement (comme le liquide dans l’éponge), tels que l’urgence climatique (mondiale), la crise migratoire (mondiale car présente dans tous les coins de la planète), la croissance mathématique de la population (mondiale), le matérialisme décadent car toujours insatisfait en vertu de son principe même de fonctionnement. Ce sont des problématiques plus exponentielles que certains ne le disent…, et elles commencent réellement à tarauder les esprits et même à faire peur, ce qui a des implications de toutes sortes, mais vous me direz peut-être que ceci est un tout autre sujet.

Ce qui est frappant, à moins que ce ne soit d’une causalité naturelle implacable, c’est qu’il y a quand même un effet induit ou parallèle sur le comportement humain général.

En conclusion, ce qui peut être dit, indépendamment du fait de devoir rester positif et optimiste vis-à-vis de cette dernière réflexion ci-avant, c’est que le comportement empathique, la fraternité, l’altruisme, le souci du spirituel, qui sont des composantes ou des « traductions » comportementales de la sagesse grecque, sont aujourd’hui confortées par la science de la psychologie contemporaine et par les développements actuels de ceux qui philosophent.

Ah, la sagesse …

Jean-Luc Dewez
Le 13-08-2019