Dans le cas d’espèce, la vie familiale peut se poursuivre dans le pays d’origine, selon la Cour européenne des Droits de l’Homme : non violation de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (CEDH) qui prévoit que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. »
Voici un extrait de la note d’information 110 de la Cour EDH qui rend compte d’un arrêt du 31 juillet 2008, lequel procède à une application stricte de l’article 8 de la CEDH, souvent invoqué, en Belgique également, en matière de droit des étrangers.
DARREN OMOREGIE et autres – Norvège (No 265/07)
Arrêt 31.7.2008 [Section I]
En fait : Le premier requérant, ressortissant nigérian, entra en Norvège en 2001 et y demanda l’asile. Sa demande fut repoussée en mai 2002. En attendant l’issue de son recours contre cette décision, il se vit délivrer un permis de travail temporaire et un sursis à exécution mais n’obtint à aucun moment le droit de résider en Norvège. Il rencontra la deuxième requérante, une ressortissante norvégienne, en octobre 2001 et le couple cohabita à partir de mars 2002. En septembre 2002, la commission de recours en matière d’immigration rejeta l’appel du premier requérant ; celui-ci fut invité à quitter le pays pour la fin du mois. A partir de ce moment-là, l’intéressé continua à séjourner en Norvège irrégulièrement. En février 2003, le premier requérant épousa la deuxième requérante et il sollicita un permis de séjour pour ce motif. Cette demande fut toutefois rejetée à son tour. En août 2003, la direction de l’immigration prit un arrêté d’expulsion assorti d’une interdiction du territoire d’une durée de cinq ans à l’encontre du premier requérant pour être demeuré dans le pays et y avoir travaillé sans permis. Le premier requérant n’en continua pas moins à vivre avec la deuxième requérante en Norvège et en septembre 2006 le couple eut un enfant, la troisième requérante. En mars 2007, le requérant fut expulsé vers le Nigéria.
En droit : L’ingérence dans le droit des requérants au respect de leur vie familiale était prévue par la loi, et poursuivait les buts légitimes de la défense de l’ordre et de la prévention des infractions pénales et de la protection du bien-être économique du pays. Quant à la nécessité des mesures, la Cour relève que le premier requérant était adulte lorsqu’il arriva pour la première fois en Norvège et ses liens avec la deuxième et la troisième requérante ne se sont formés que plus tard. La condition essentielle pour pouvoir l’expulser – des violations graves et réitérées des règles sur l’immigration – était remplie. Quant aux relations avec la deuxième requérante, le couple n’a pu à aucun moment avant son mariage avoir raisonnablement pensé que le premier requérant se verrait autorisé à demeurer en Norvège et ce n’est pas parce que l’intéressé a mis les autorités devant le fait accompli de sa présence dans le pays que le couple pouvait penser que le premier requérant obtiendrait un droit de séjour. Des considérations analogues valent pour la naissance de la troisième requérante, qui ne pouvait en soi conférer pareil droit. Le premier requérant a des liens particulièrement forts avec le Nigéria et en a comparativement de plus faibles avec la Norvège, si ce n’est les liens familiaux qu’il a noués avec la deuxième et la troisième requérante alors que la procédure était en instance. La troisième requérante se trouve encore à un âge où il lui est facile de s’adapter et s’il est probable que la deuxième requérante rencontrera quelques difficultés et inconvénients dans le cas où elle devrait s’établir au Nigéria, il n’existe pas d’obstacles insurmontables à ce que les requérants mènent une vie familiale dans ce pays, ne serait-ce que par le biais de visites périodiques de la deuxième et de la troisième requérante. Quant à l’interdiction du territoire d’une durée de cinq ans frappant le premier requérant, elle visait à assurer que l’obstination de certains immigrants ne compromette pas la mise en oeuvre effective des règles sur le contrôle de l’immigration. D’ailleurs, il est loisible au premier requérant de demander à rentrer sur le territoire au bout de deux ans. Dès lors, les autorités nationales n’ont pas versé dans l’arbitraire et n’ont pas outrepassé d’une autre manière leur marge d’appréciation.
Conclusion : non-violation (cinq voix contre deux).
– Pour rappel l’article 8 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales est libellé comme suit :
Droit au respect de la vie privée et familiale
« 1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Florence Degroot